Le phénomène du « divorce gris » désigne la séparation de couples âgés, généralement après 60 ans, souvent après de longues années de vie commune. Ce type de divorce, en hausse constante en Suisse comme ailleurs, soulève des questions spécifiques, différentes de celles rencontrées lors de séparations plus précoces. Vieillesse, retraite, patrimoine, sécurité financière, solitude : les enjeux sont autant affectifs que juridiques.
Pourquoi de plus en plus de personnes divorcent-elles à un âge avancé, et que faut-il savoir avant d’engager une telle démarche ?
Un phénomène en progression
Longtemps rare, le divorce chez les seniors devient de plus en plus fréquent. Plusieurs raisons l’expliquent : une espérance de vie plus longue, qui rend les perspectives de « deuxième vie » plus concrètes ; des valeurs individuelles plus fortes, marquées par la recherche de bien-être et de réalisation personnelle ; une stabilité financière plus grande chez certains retraités, qui n’ont plus d’enfants à charge.
Mais malgré cette autonomie accrue, un divorce tardif reste souvent plus complexe et potentiellement plus risqué, tant sur le plan financier qu’émotionnel.
Les enjeux financiers du divorce gris
Le point le plus délicat dans un divorce après 60 ans est souvent la sécurité matérielle.
En Suisse, les avoirs de prévoyance professionnelle (LPP, 2e pilier) accumulés pendant le mariage doivent être partagés entre les époux. Cela signifie que même à la retraite, les prestations de caisse de pension peuvent être réattribuées. Si l’un des conjoints n’a jamais travaillé ou très peu, cette règle permet un équilibrage, mais elle peut aussi réduire fortement le revenu du conjoint qui percevait déjà une rente complète.
Le partage des biens, en particulier du logement familial, peut poser problème. Vendre une maison ou un appartement dans lequel le couple a vécu pendant 30 ans n’est pas seulement une question financière : c’est aussi un choc affectif et logistique, notamment si un seul des deux souhaite rester.
À un âge avancé, retrouver un emploi est souvent difficile, voire impossible. Si un conjoint dépendait économiquement de l’autre, le tribunal peut fixer une pension alimentaire après divorce. Toutefois, cette pension n’est pas garantie et dépend des ressources réelles de chacun.
La solitude et les aspects psychologiques
Le divorce gris n’est pas qu’un sujet d’argent. À 60 ans ou plus, la séparation peut aussi provoquer un sentiment de rupture profonde, de perte de repères ou de fragilité émotionnelle. Les enfants sont souvent adultes et indépendants, mais cela ne signifie pas qu’ils ne seront pas affectés par la séparation de leurs parents.
Certains seniors trouvent dans cette étape une nouvelle liberté, l’occasion de redécouvrir leur identité personnelle. D’autres vivent cette transition comme un deuil. Il est donc essentiel d’être bien entouré, sur le plan juridique mais aussi psychologique, pour prendre des décisions éclairées.
Les démarches juridiques : ce qu’il faut anticiper
Même à 60, 70 ou 75 ans, les démarches de divorce sont les mêmes qu’à 40. Il est possible d’opter pour un divorce à l’amiable, plus simple et rapide, si les deux parties s’accordent sur les modalités ; ou pour un divorce unilatéral (sans accord), plus long et plus coûteux, si les conjoints ne parviennent pas à s’entendre.
Dans tous les cas, il est fortement recommandé de consulter un spécialiste, qui pourra vous aider à préparer le partage des biens et des rentes de retraite, envisager les conséquences fiscales du divorce, et évaluer les droits éventuels à une pension.
Conclusion : un divorce qui demande plus de préparation
Le divorce après 60 ans touche à l’intime, au patrimoine, à la santé et à la projection de fin de vie. Il nécessite une réflexion approfondie et un accompagnement adapté. Si cette étape est parfois vécue comme un soulagement, elle peut aussi fragiliser des personnes déjà confrontées aux défis du vieillissement.
Le « divorce gris » n’est donc ni banal, ni à redouter systématiquement : il doit être envisagé avec lucidité, soutien et pragmatisme, pour préserver autant que possible l’équilibre personnel et la dignité des deux parties.